Nous ignorons à quelle période les élections censées élire une représentation ont basculé en confiscation de la démocratie

XXVIII

Le « modèle français » de "République monarchique assagie" s’est généralisé, partout les installés ont saisi l’opportunité. L’autocrate adulé, dix-huit mois après la catastrophe, faisait adopter par le Parlement cette réforme constitutionnelle, sous le bon prétexte de l'impossibilité d'organiser des élections. Elles seraient toujours impossibles à organiser cinquante ans plus tard ! Par la même occasion, le mandat des députés était prorogé de quinze années et en cas de disparition du titulaire ou du suppléant, le survivant pouvait nommer un nouveau colistier. Nul ne put vraiment contester ce tour de passe-passe validé par un hémicycle rempli à… 22%. Emmanuel 1er inscrivait son nom en tête de liste d’une organisation qu’il considérait devoir durer « au moins 10 000 ans, grâce à la justice, la sagesse, la bienveillance. Les Emmanuels ont su depuis 1000 ans servir la République assagie, les Emmanuels régneront désormais pour le bien de tous. »
Tout cela, selon grand-père, et bien d’autres désireux de rester anonymes, ne changeait pas grand-chose : la classe politique était devenue un milieu fermé où les enfants ou petits-enfants se succédaient en barons locaux, régionaux ou nationaux. Effectivement, durant ce millénaire, presque à chaque génération un Emmanuel était entré à l’Élysée. Il existait bien des alternances mais toujours entre gens du sérail. Les perdants d’un jour se recasaient à un autre niveau, parfois même immédiatement quand il s’agissait d’un recul régional ou local, où ils avaient installé des hommes de paille, qui pouvaient être des femmes, souvent de leur famille. Il fallait « en être », soit en héritier ou exceptionnellement adoubé. Nous ignorons à quelle période les élections censées élire une représentation ont basculé en confiscation de la démocratie.

Extrait du roman "Après l'énergie anti-électrique".
Du 22 août 2020, septième roman de Ternoise.